Défis 2024 : quelle influence sur l’industrie alimentaire?
Quels sont les défis auxquels fera face l’industrie alimentaire en 2024? Si personne n’a de boule de cristal, on sait que des changements importants se dessinent et façonneront le marché cette année. À la croisée des chemins, les entreprises alimentaires québécoises doivent jongler avec la pénurie de main-d’œuvre, les aléas mondiaux, les progrès technologiques et les préoccupations du public. Dans quelle posture peuvent-elles aborder 2024? Le président d’Agro Québec, André Michaud, fait le point.
La technologie et l’intelligence artificielle
« La technologie et l’intelligence artificielle aideront assurément à résoudre les problèmes de main-d’œuvre qui touchent non seulement le secteur de l’agroalimentaire et de l’agriculture, mais aussi le milieu des affaires et la société en général, avance André Michaud. L’automatisation et la robotisation comptent parmi les nombreuses solutions qui nous permettront de retrouver éventuellement un certain équilibre sur le plan de la productivité.» La technologie favorisera également l’innovation, le développement de produits et l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement.
Néanmoins, cette transition a un coût important, à un moment où le contexte économique difficile freine les investissements à court terme. « Il y a une volonté, on en parle beaucoup, mais on n’y est pas encore, souligne M. Michaud. D’ici là, il vaut mieux se tourner vers l’amélioration continue des processus au sein des entreprises afin d’augmenter la performance. En contexte de pénurie de main-d’œuvre, il n’y a pas de solution magique. »
L’impact environnemental
Les considérations environnementales seront en 2024 au cœur des préoccupations des consommateurs et consommatrices, qui souhaitent désormais se procurer des produits en lien avec leurs valeurs. L’industrie alimentaire, elle-même bouleversée par les changements climatiques, est appelée à se tourner vers des pratiques durables. « C’est un élément de positionnement stratégique important, voire essentiel, pour les entreprises, indique M. Michaud. Mais les attentes des consommateurs, qui demandent des produits équitables, compostables et respectueux de l’environnement, ont un coût que le public n’est pas toujours prêt à payer en magasin. »
Les entreprises ont ainsi la délicate tâche de trouver un équilibre afin de demeurer compétitives, tout en répondant aux attentes de plus en plus élevées de la population. « Par exemple, un poisson élevé au Québec en aquaculture coûtera probablement plus cher qu’un poisson importé qui parcourt 10 000 km, poursuit le président d’Agro Québec. Les normes environnementales sont très strictes ici. On fait des choix de société, on veut se tourner vers l’autonomie alimentaire, mais le défi, pour l’industrie, c’est d’offrir un prix compétitif malgré les contraintes imposées. »
La santé
La population québécoise (par ailleurs vieillissante) se préoccupe de plus en plus de ce qu’elle met dans son assiette. On veut des aliments santé, gage d’une meilleure espérance de vie, de bien-être et de vivacité d’esprit. L’engouement pour les aliments sains se poursuivra assurément en 2024. La nouvelle réglementation d’étiquetage de Santé Canada, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2026, s’inscrit en ce sens. Les transformateurs devront afficher sur leurs emballages un pictogramme en forme de loupe quand le produit affiche une valeur supérieure à 15 % des recommandations quotidiennes en sucre, gras saturés ou sodium. Le tableau de valeurs nutritives sera aussi plus complet et plus facile à comprendre.
Amélioration alimentaire Québec (AAQ) peut accompagner les entreprises dans leurs démarches, rappelle André Michaud. AAQ offre du soutien, par exemple, en matière de financement et de réglementation, d’appui technique et de développement de produits. « C’est une occasion pour les entreprises de revoir leurs façons de faire ainsi que de réfléchir aux produits qu’elles proposent et à l’image qu’elles veulent projeter. C’est une démarche qui demande des changements en profondeur.»
Le retour à la base et à la simplicité
« Les consommateurs demandent des produits de plus en plus authentiques; ils sont sensibles à la signature alimentaire du Québec, observe André Michaud. On voit l’émergence de produits d’appellations réservées et de termes valorisants, qui confirment la qualité des ingrédients et soulignent le savoir-faire [des producteurs].» Le président d’Agro Québec cite en exemple l’agneau de Charlevoix et le cidre de glace du Québec. On remarque une demande grandissante pour des aliments simples, goûteux et de qualité, avec une liste d’ingrédients courte. « L’industrie s’adapte, mais ce n’est pas un travail simple. Ça demande de la recherche, des investissements, un repositionnement. »
L’importance du prix
On ne s’en sort pas : le prix des produits est le facteur numéro un quand vient le temps de choisir ses aliments. « C’est bien ancré et ça demeurera ainsi », croit André Michaud. L’inflation frappe fort et le panier d’épicerie coûte très cher. Les Québécoises et Québécois, peu importe leurs valeurs et convictions, sont avant tout soucieux de leur portefeuille. « Malgré les différentes tendances qui s’annoncent, le prix est à l’avant-plan et module chacun des paramètres et des considérations. C’est un défi constant pour les entreprises, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et d’inflation. Si les taux d’intérêt baissent comme prévu, cela permettra des investissements technologiques. Mais on ne sait pas dans quelle mesure et à quelle vitesse se présenteront ces changements. Il faut faire mieux. Il faudra toujours faire mieux. »