Blogue marcel mai

Défendre notre modèle agricole face aux incertitudes mondiales.

 

Alors que l’administration Trump multiplie les décisions imprévisibles en matière de politique commerciale, le Canada doit faire preuve de stratégie et de prudence. Dans un contexte de renégociation possible de l’ACEUM, la gestion de l’offre revient au cœur des débats. Face aux risques et enjeux, des décisions cruciales sont à venir pour le secteur agroalimentaire canadien.

 

L’imprévisibilité de Trump et ses répercussions économiques

Donald Trump est en poste depuis un peu plus de 100 jours. Président hors norme, d’un narcissisme inégalé et d’une méchanceté assumée, il utilise le pouvoir de la présidence américaine pour régler ses comptes, s’enrichir, et surtout, créer le chaos. Il s’assure ainsi que toute l’attention tourne autour de sa personne.

Nous commençons cependant à déceler des fissures dans sa muraille. Sa cote de popularité est en baisse. La politique tarifaire de Trump est très impopulaire aux États-Unis. Cette politique, pierre angulaire de sa stratégie économique, soulève beaucoup de scepticisme et, de fait, le ralentissement de l’économie américaine se fait déjà sentir. La confiance des consommateurs est à son plus bas. Les marchés, c’est bien connu, détestent l’imprévisibilité, dans ce cas-ci, entièrement alimentée par l’improvisation du président.

Pour ajouter au chaos déjà existant, le 2 avril, désormais appelé « Jour de la libération », dans un scénario complètement surréaliste, Trump annonce de nouveaux tarifs qui seront appliqués aux importations américaines provenant de 143 pays, avec en main un simple carton. Personne ne comprend même le calcul des taux appliqués à chacun. Un niveau d’amateurisme très inquiétant.

La Chine n’a pas tardé à répondre avec des tarifs élevés, suivis d’une réplique excessive et irréfléchie de Trump, qui impose des droits de douane de 145 % sur les produits chinois. La pression monte sur le président : le piège se referme lentement sur lui et sur sa politique tarifaire. Après avoir levé certains tarifs sur des produits essentiels fabriqués en Chine, quelques heures de négociation entre les deux géants suffisent pour que les tarifs de 145 % soient ramenés à 30 % pour 90 jours. Il a aussi suspendu ses tarifs du « jour de la libération » pour 90 jours. Sa politique est intenable.

 

Le Canada face aux tensions commerciales : entre prudence et stratégie

La pression sur le président américain va augmenter d’autant plus que les élections de mi-mandat approchent. Il aura bientôt besoin de résultats concrets. Dans ce contexte, le Canada doit faire preuve de patience. Le temps joue en notre faveur, et je crois que le premier ministre du Canada, M. Carney, l’a très bien compris.

M. Carney a déclaré que notre relation avec les États-Unis ne sera plus jamais la même. Nous devons diminuer notre dépendance, assurer nous-mêmes la défense de notre territoire, et diversifier nos marchés. Au-delà de l’effet Trump, les États-Unis, comme le reste du monde, changent, entraînés par un courant de droite, plus conservateur, moins enclin à l’immigration et à l’ouverture des marchés. Le succès de Trump repose sur ces changements sociétaux.

Mais le moment viendra de renégocier l’ACEUM, ou de conclure une entente bilatérale. Nous savons tous que le secteur laitier canadien sera une cible du président américain. Une cible symbolique, car il s’agit d’un sujet sensible pour le Canada. Assisterons-nous à une négociation à trois incluant le Mexique ou à une négociation bilatérale entre les États-Unis et le Canada? Selon les experts, une entente bilatérale n’aurait pas besoin d’être ratifiée par le Congrès, une approche que Trump va sûrement privilégier. Une entente bilatérale serait-elle un ajout à l’ACEUM ou la fin de celui-ci? Serait-il plus facile de limiter les sujets de la négociation dans une bilatérale?

Le gouvernement canadien est sûrement en train de soupeser toutes ces options. Mais pour préserver l’intégralité de la gestion de l’offre et des parts de marché, ce sujet doit être exclu des négociations dès le départ. On nous a déjà fait le coup dans maintes négociations, et on sait comment cela se termine pour la gestion de l’offre quand tout est mis sur la table.

 

Le secteur laitier en ligne de mire : protéger la gestion de l’offre

Les concessions précédentes ont fait très mal au secteur laitier. Voici quelques données. Avec l’AECG (Europe) (+1,4 % d’accès), le PTPGP (Transpacifique) (+3,1 %) et l’ACEUM (États-Unis) (+3,9 %) pleinement mis en œuvre en 2024, le Canada importe désormais environ 18 % de sa consommation de lait, soit une perte de 1,3 milliard de dollars par année en ventes pour les producteurs. C’est l’équivalent de 1 200 fermes laitières moyennes au Québec. Pour l’économie des régions, c’est une perte énorme.

La gestion de l’offre est un système qui a fait ses preuves et qui est largement soutenu par la population canadienne. Bien sûr, rien n’est parfait, mais de tous les programmes de gestion des risques en agriculture, c’est l’un des plus efficaces. Le partage des marchés entre les provinces et entre les producteurs assure une répartition équitable de la production et de la transformation sur tout le territoire.

La production est alignée sur la demande, ce qui assure la stabilité des prix et des approvisionnements. Les prix sont établis selon des enquêtes indépendantes sur les coûts de production. Les coûts liés aux attentes sociétales (bien-être animal, protection de l’environnement, respect des normes sociales) sont captés et transmis aux marchés. Les consommateurs paient le juste prix. Les gouvernements n’ont pas à soutenir financièrement le secteur, ce qui, en période de déficits budgétaires importants à Québec comme à Ottawa, n’est pas négligeable.

 

Défendre l’autonomie alimentaire et les intérêts régionaux

La gestion de l’offre est essentielle pour la sécurité alimentaire du Canada. Quel serait le prix des œufs aujourd’hui si notre approvisionnement dépendait des États-Unis, alors que la grippe aviaire fait des ravages au sud de la frontière? Les contrôles phytosanitaires canadiens sont beaucoup plus stricts, assurant aux citoyens des produits sains et sécuritaires.

C’est pourquoi la gestion de l’offre et les marchés canadiens du lait, des œufs et de la volaille doivent être exclus dès le départ de toute liste de sujets négociables. Il est urgent que M. Carney réaffirme que la gestion de l’offre est non négociable et qu’il n’y aura pas d’autres concessions de parts de marché. Le secteur de l’automobile pèsera lourd dans cette négociation. Le Québec devra mettre tout son poids derrière la défense de la gestion de l’offre.

Nous savons que ce qui est promis durant une campagne électorale est parfois oublié. Le Mouvement pour la gestion de l’offre (MGO) ne doit pas baisser la garde. Il doit talonner tous les partis politiques, mais surtout les libéraux, à commencer par M. Champagne, ministre des Finances, et M. Leblanc, ministre responsable des relations avec les États-Unis. Les producteurs et l’industrie canadienne de la gestion de l’offre ont suffisamment donné.

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