Partager
Temps de lecture
6 minutes
En 1978, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles fait son entrée en vigueur au Québec afin d’assurer que les terres agricoles restent aux agriculteurs. Si depuis, aucune action de cette envergure n’a été menée à l’échelle provinciale, la ville de Laval a fait le pari cet été de valoriser les 29% de son territoire qui composent sa zone agricole permanente.
Un maire qui pense au-delà de l’urbanisation
Stéphane Boyer, élu maire de Laval en 2021 à seulement 33 ans, incarne un vent de renouveau dans l’histoire de la ville en devenant le plus jeune à occuper cette fonction. Depuis ses débuts à l’hôtel de ville en 2013 en tant que conseiller municipal, il gravi les échelons politiques, siégeant au comité exécutif avant d’en devenir le vice-président. Visionnaire, Boyer a toujours été profondément engagé pour l’environnement, notamment à travers son rôle à la tête de la Commission de l’environnement de la Communauté métropolitaine de Montréal. À la mairie, il a renforcé cette position en élargissant le refuge faunique de la Rivière-des-Mille-Îles, une initiative marquante pour la préservation des écosystèmes. En 2024, il poursuit sur cette lancée en orchestrant ce que La Presse qualifie de « petite révolution agricole », témoignant ainsi de son ambition de faire de Laval un modèle en matière de durabilité et de protection des espaces verts.
Une zone agricole sous-exploitée
Malgré une vaste zone agricole de 7 055 hectares, Laval se trouve confrontée à un problème majeur : une grande partie de ces terres reste inexploitée. La ville estime que près de la moitié des terrains agricoles ne sont pas utilisés à des fins agricoles. Ce phénomène est en partie attribué à des propriétaires non-agriculteurs qui, dans une logique spéculative, conservent ces terres en espérant un éventuel dézonage. Ces investisseurs anticipent une hausse de la valeur foncière, ce qui leur permettrait de réaliser d’importants profits en vendant ces terrains. Cette spéculation repose en grande partie sur l’attente d’un changement de zonage qui pourrait transformer ces terres agricoles en terrains constructibles, et qui viendrait récompenser les propriétaires inactifs. La préoccupation repose également sur le fait que plusieurs de ces terrains appartiennent à des fonds d’investissement, renforçant l’idée d’une spéculation foncière délibérée.
Une situation qui contribue directement à la crise agricole au Québec, où seulement 2 % des terres sont consacrées à l’agriculture, bien loin des 45 % aux États-Unis. Face à cette réalité, certains plaident pour une utilisation différente de ces terres, suggérant qu’elles pourraient être consacrées à des projets d’urbanisation.
Laval veut mettre fin à la spéculation
Le maire de Laval, Stéphane Boyer, a toutefois réaffirmé la volonté de la ville de préserver ces terres agricoles. En imposant désormais une redevance aux non-agriculteurs détenant des terrains agricoles à Laval, la ville adopte une politique proactive et envoie un message clair : les terres agricoles resteront destinées à l’agriculture. Par cette approche, Laval se positionne comme un acteur clé dans la défense de l’intégrité de son territoire agricole, contre toute tentative de spéculation ou d’urbanisation non planifiée.
Le montant de la redevance sera déterminé par la superficie du terrain et peut aller de 0,10 $ à 0,50 $ par mètre carré. La ville prévoit que cette mesure pourra être appliquée dès l’exercice financier de 2025 générant un revenu annuel additionnel de 1,1 million de dollars. Ces montants iront dans le Fonds de remise en culture pour acheter des terres en friche et les rendre aptes à l’agriculture. Une initiative audacieuse, qui positionne fermement Laval du côté des producteurs agricoles : « On souhaite envoyer un message très clair aux propriétaires que ça n’arrivera pas. Un terrain en zone agricole va rester en zone agricole. Donc ça ne sert à rien de s’accrocher à son bout de terrain en espérant faire une passe d’argent un jour » expliquait Stéphane Boyer, maire de Laval à l’occasion d‘une entrevue cet été.
Les milieux naturels resteront protégés
Parmi les terrains en zone agricole inexploités, certains sont simplement impossibles à cultiver en raison de leur nature, qui sont soit des milieux humides, boisés ou ayant une quelconque contrainte naturelle empêchant de pratiquer l’agriculture, et qui ne seront pas concernés par la redevance. Le maire, conformément à sa volonté de protéger la faune et la flore, entend préserver les forêts et les milieux humides tels quels, démontrant une volonté de conciliation entre la préservation des milieux naturels et l’aide aux agriculteurs.
Cas unique ou tendance à suivre?
Les efforts de la ville de Laval sont salués par le secteur agricole, et notamment l’Union des producteurs agricoles (UPA). L’imposition de redevances n’est pas une nouveauté, la ville de Boisbriand le fait pour les terres en friche depuis quelques années, mais les montants de celles de Laval et leur revenu potentiel sont considérables. Avec cette mesure, Laval insuffle un élan de revalorisation de ses terres agricoles, qui pourrait marquer le début d’une tendance chez les municipalités du Québec. Reste à observer si les résultats seront au rendez-vous pour, ultimement, mettre les terrains agricoles entre les mains d’agriculteurs qui feront ce qu’ils font de mieux avec ces terres : les cultiver!