Économusée® & Appellations réservées : La Distillerie du Grand Dérangement
En collaboration avec le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants. Article également disponible sur le site des artisans à l’œuvre.
Certification biologique (2014)
ÉCONOMUSÉE® du distillateur
Marcel Mailhot – Président Directeur général
- Qu’est-ce qui vous a amené à aller vers la production biologique ? (Certifié bio en 2014)
« Je suis né ici, sur la ferme de Saint-Alexis; l’agriculture c’est tout ce que je connais, je n’ai jamais rien fait d’autre. Autour de 2013, mon client m’a dit qu’il souhaitait continuer à travailler longtemps avec moi, mais que, pour ça, il faudrait que je développe le bio. Je me suis dit ok, on va commencer tout de suite ! La culture bio s’accorde bien avec les préoccupations que j’ai toujours eues dans mon métier. Pour moi, limiter l’utilisation de chimique et penser à la préservation des sols, ça allait de soi même à l’époque où ce n’était pas pratique courante. J’ai longtemps été vu comme une bibitte étrange à cause de ça (rires) !
J’ai vu mon père et son père à lui travailler la terre ici. Peu à peu, la venue du chimique a apporté un genre de promesse de voir ces produits faire le travail à notre place, de permettre de produire en remplaçant un peu le savoir de ceux qui connaissent le métier. Non seulement ce n’est pas tellement gratifiant, mais en plus, aujourd’hui, avec les conséquences que cela a eu sur les sols, sur l’environnement, on voit que ce n’était pas la bonne voie à suivre. La terre a toujours su nourrir les gens, c’est ça qu’il faut garder en tête pour travailler intelligemment en agriculture. Sur nos terres, ici, on produit du brocoli et du chou-fleur; des productions soi-disant difficiles. Mais on y arrive, et on le fait selon une approche biologique, avec des rotations de cultures.
Avec tout ça, quand j’ai investi dans la distillerie, en 2020, c’était clair pour moi qu’une redirection vers le biologique était toute naturelle. Dans le cas de ce projet, le fait même de distiller l’alcool en élimine toute trace de pesticides. Mais on a voulu aller plus loin et quand même travailler la culture des grains en mode bio, pour ne laisser aucune empreinte négative sur la planète. Notre philosophie prend donc en compte le produit, mais aussi notre environnement ».
- Qu’est-ce que cela a changé dans votre quotidien d’avoir à respecter un cahier des charges?
« En fait, le cahier des charges, ce n’est jamais négatif, quel que soit le secteur. Il s’agit de se fixer un but et, pour arriver à l’atteindre, de suivre des étapes prédéterminées. Ce sont ces étapes-là qui sont présentées dans le cahier des charges et qu’on peut ensuite transmettre à nos équipes. Il faut passer par chacune des étapes, veiller à ce que tout soit conforme et, surtout, accorder un soin particulier à la qualité du résultat de chacune de ces étapes; c’est ce qui permet une constance dans les processus et, par le fait même, dans le produit. Publicitairement parlant, on n’en parle pas assez de tout ce que ça implique, de tout ce que ça demande de produire des produits biologiques. C’est beaucoup de cœur et d’engagement, de surveillance et d’attention.
Les audits et la surveillance de mon cahier de charge, de mes espaces, du travail de mon équipe pourraient se faire n’importe quand ici, de jour comme de nuit, on respecte le cahier de charges et on en est fiers. On a 4 certifications biologiques distinctes, ici ! L’usine de transformation, l’agriculture biologique, la serre biologique et la distillerie. Au total, on a plus de 200 hectares de production biologique, dont 45 sont consacrés aux grains destinés à la distillerie. Et pour maintenir la qualité dans tout ça, c’est le cahier des charges qui agit comme un livre de recettes; c’est un outil, et non une contrainte ».
- Quelle est la réponse du public lorsque vous leur parlez de votre engagement dans le mode de production biologique ?
« Nous, pour les légumes, on vend aux distributeurs et non au consommateur directement. C’est avec la distillerie qu’on a le contact avec le consommateur, via l’économusée. C’est moi qui fais les visites parce que c’est une occasion rêvée de faire connaître ce qu’on fait aux consommateurs. On réussit à produire un alcool de qualité, local, biologique et en intégrant en plus l’économie circulaire dans le processus. C’est agréable de voir les gens être réceptifs et intéressés par notre manière de travailler et de faire les choses. On a vu s’enchaîner les difficultés dans le secteur des distilleries au cours de la dernière année, alors la vitrine qu’on donne à notre produit par les visites est essentielle ».
- Après avoir décidé de produire des spiritueux biologiques, vous avez rapidement choisi de poursuivre l’aventure en créant l’Économusée® du Distillateur, en quoi cela soutient-il votre démarche ?
« C’est mon collègue qui a eu l’idée de créer un économusée et on a été la première startup à intégrer ce réseau; normalement, les économusées sont établis à même des entreprises bien rodées ! Ça a été un gros défi à relever, parce qu’on a travaillé à cette mise sur pied alors même qu’on en était au tout début de la distillerie, qu’on était encore en train de se structurer… c’était beaucoup en même temps ! Mais aujourd’hui, on est heureux d’avoir mis les bouchées doubles à ce moment-là, parce que l’économusée est vraiment devenu le moteur principal de la distillerie. On fait les visites, on rencontre les gens. Ça me permet de les entretenir d’éconopolitique, d’écologie et d’économie… et tout ce que je leur demande, c’est de parler de nous autour d’eux ! Plusieurs repartent d’ici avec une ou quelques bouteilles et ils ont eu la chance d’en apprendre davantage sur ce qu’on fait, mais aussi de soutenir nos activités et nos produits ».
- Vous êtes aussi engagé dans un processus de reconnaissance par une appellation des Spiritueux produits à partir de matière première du Québec et d’un savoir-faire de distillateurs. Pourquoi est-ce important pour vous de protéger et faire durer votre savoir-faire en étant Artisans à l’œuvre et en ayant une, et possiblement, deux appellations?
« Ça vient soutenir encore davantage le travail qu’on fait à la distillerie sur le plan social, environnemental et économique, une occasion de permettre aux gens de faire des achats locaux, tout en transmettant notre vision et la raison d’être de notre travail. C’est d’aller chercher une reconnaissance établie non seulement pour notre produit, mais également pour le savoir-faire de nos distillateurs. Oui, ça va être bon pour notre distillerie, mais ce n’est pas une question d’argent; c’est l’idée d’avoir un impact social et de faire reconnaître le travail d’exception qui mène à un produit de distillerie fait ici de A à Z, sur tous les plans. On est plusieurs à faire la preuve chaque jour que produire des spiritueux de qualité ici, c’est possible et c’est beau. L’appellation réservée permettra aux spiritueux issus de ce travail d’être reconnus à leur juste valeur ».