
Les crises sanitaires, climatiques et géopolitiques des dernières années ont révélé la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement mondialisées. Face à ces perturbations, renforcer l’autonomie alimentaire du Québec devient une priorité stratégique. Cette capacité à nourrir la population à partir de ressources locales repose sur plusieurs leviers : l’achat local, l’innovation agroalimentaire, des politiques publiques ciblées et l’engagement des acteurs sur le terrain.
L’achat local au service de l’autonomie alimentaire
L’autonomie alimentaire, c’est la capacité d’un territoire à produire, transformer et distribuer les aliments nécessaires à sa population en limitant sa dépendance aux importations. Il ne s’agit pas de viser l’autarcie, mais de construire un système alimentaire intégré, adapté aux réalités locales et plus robuste face aux aléas mondiaux.
À l’heure actuelle, selon une étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) et d’Équiterre de 2022, le Québec n’assure actuellement qu’environ 35 % de sa consommation alimentaire avec des produits issus de son territoire, contre 75 %, il y a 50 ans. Un recul qui s’explique par la montée en puissance des marchés internationaux et la mutation de notre modèle de consommation. Toutefois, plusieurs entreprises montrent que l’autonomie alimentaire est non seulement possible, mais économiquement et écologiquement viable.
Des entreprises comme Les Serres Gourma et La Soyarie illustrent concrètement cette autonomie alimentaire en action. Gourma cultive des fines herbes à l’année avec un système d’irrigation économe en eau et une flotte à faible émission. La Soyarie transforme du soya canadien en tofu depuis 1979, misant sur une production artisanale locale. Ces modèles incarnent une agriculture durable et une transformation ancrée au Québec.
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Une réponse aux attentes des consommateurs et des politiques publiques
L’autonomie alimentaire s’inscrit également au cœur des attentes sociétales actuelles. Aujourd’hui, ce sont près de 8 Québécois sur 10 qui affirment accorder une importance significative à l’origine locale des aliments qu’ils consomment . Cette tendance, ancrée dans un désir de transparence, de qualité et de soutien à l’économie locale, place les producteurs, transformateurs et distributeurs québécois devant une occasion stratégique, récemment renforcée par la popularité des actions de valorisation des produits d’ici, comme celle de la journée du 12 juin.
Le gouvernement du Québec reconnaît cette réalité à travers la Stratégie nationale d’achat d’aliments québécois (SNAAQ). Lancée en 2020, elle vise à accroître la présence des aliments d’ici dans les institutions publiques, telles que les écoles, les hôpitaux et les garderies. Elle fixe des objectifs clairs, incitatifs et mesurables pour que les organismes publics s’approvisionnent davantage localement.
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Pour l’industrie, dynamiser l’autonomie alimentaire représente un levier de croissance durable, mais aussi une responsabilité collective en réponse à une demande grandissante et contribue également à une plus grande résilience du territoire.
Un moteur économique majeur pour le Québec
Au-delà de la mise en valeur de notre terroir, l’achat local est un puissant levier de développement économique. Le secteur bioalimentaire québécois, qui englobe la production, la transformation et la distribution alimentaire, génère un produit intérieur brut de 29,7 milliards de dollars, soit près de 7 % de l’économie provinciale. Il représente également une source majeure d’emplois, avec plus de 530 000 travailleurs, soit 12 % de l’ensemble de l’emploi au Québec (MAPAQ, 2023).

Les investissements dans le secteur sont importants : en 2023, les entreprises bioalimentaires ont investi 4,1 milliards de dollars, notamment dans l’agriculture et la transformation alimentaire. Ces investissements soutiennent l’innovation et la compétitivité locale. Cette dernière, qui constitue le principal employeur manufacturier au Québec, a vu une croissance de 11 500 emplois entre 2015 et 2024, avec une moyenne de 1,15 milliard de dollars investis annuellement au cours des cinq dernières années. Le sous-secteur de la fabrication d’« autres aliments » incluant tofu, substituts de viande, repas prêts-à-manger s’est particulièrement démarqué avec une hausse de 88 % des emplois (MAPAQ, 2024).
Le gouvernement du Québec appuie activement cette orientation, avec des investissements majeurs visant à améliorer la visibilité des produits locaux, accompagner les entreprises dans leur développement à l’international, et promouvoir l’intégration des aliments québécois dans les institutions publiques telles que les écoles et les hôpitaux. Parallèlement, des organismes de vérifications et de certifications comme Aliments du Québec ou le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) veillent au grain afin d’assurer la traçabilité, la qualité et le respect des cahiers de charges associés le cas échéant.
L’autonomie alimentaire est bien plus qu’un objectif agricole : c’est une stratégie de résilience, un projet de société porteur et une opportunité économique. En misant sur les produits locaux, en soutenant les entreprises agroalimentaires québécoises et en construisant des chaînes d’approvisionnement plus courtes et plus responsables, le Québec se dote de moyens pour nourrir sa population tout en créant de la richesse ici.
Sources :
https://www.equiterre.org/fr/articles/etude-irec-autonomie-alimentaire-quebec
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