Économusée & Appellations réservées : La Fromagerie du Pied-De-Vent
En collaboration avec le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants. Article également disponible sur le site des artisans à l’œuvre.
Entrevue avec les copropriétaires : Renée Landry et Dominique Arseneau
Pourquoi avez-vous décidé d’embarquer dans l’aventure Économusée ?
Renée:
« Au tout début de la fromagerie, en 1998, la salle de production occupait beaucoup d’espace… il ne restait qu’un quart de la devanture disponible pour la boutique! À cette époque, on pensait qu’on allait écouler entre 80 et 90% de nos fromages en exportations et qu’on pourrait vendre la petite quantité restante en boutique. Mais le goût des gens d’ici pour les fromages fins s’est développé, tout comme l’envie d’aller à la rencontre des producteurs. Rapidement, on s’est retrouvés avec des autobus de visiteurs qui se rendaient jusqu’à nous, et avec une boutique bien trop petite pour accueillir tout le monde. Notre rencontre avec le réseau des économusées est arrivée à point; c’est avec eux qu’on a procédé à l’agrandissement de la boutique. Le réseau nous a apporté toute son expertise et il en a résulté un tout nouvel espace qui, non seulement nous permet de bien accueillir tous ceux qui viennent nous visiter, mais aussi de créer un effet wow chez les clients qui viennent découvrir la ferme et la fromagerie. C’est donc 50% de notre production qu’on vend ici, tant aux locaux qu’aux touristes qui viennent durant la belle saison. »
Qu’est-ce que cela a changé pour vous?
Renée:
« L’expertise du réseau des économusées est grande ! Notre nouvelle boutique n’est pas juste plus attrayante; elle nous permet aussi maintenant de vraiment bien mettre en valeur le travail qu’on fait. Une personne qui fait la visite du début à la fin en ressort en comprenant bien ce qui se cache derrière les fromages qu’elle peut goûter. Les visiteurs en apprennent sur tout le travail de la production laitière et de la production fromagère, mais notre économusée fait aussi une belle place à la vache de race canadienne que les gens ne connaissent pas encore beaucoup. On a aussi une grande terrasse extérieure qu’on a recouverte en 2017. Avec parfois plus de 160 autobus de visiteurs par saison estivale, on a senti le besoin de faire les changements nous permettant de bien accueillir les gens qui se déplacent en groupe pour venir nous voir. »
Dominique:
« À la ferme aussi ça nous a beaucoup aidé ! On a toujours fait des visites parce qu’il y avait de la demande… tant de la part de producteurs d’ailleurs en vacances que de gens qui n’avaient jamais vu une vache de leur vie ! Les gens cognaient à notre porte et on leur faisait faire le tour. L’arrivée de l’économusée nous a permis de structurer la visite, de faire progresser les gens étape par étape dans un laps de temps raisonnable et agréable, de les amener à se promener dans notre espace pour une visite vraiment complète. Et on finit tout ça avec une dégustation à la fromagerie ! Après deux ans de pause en raison de la pandémie, on a hâte de reprendre ces visites. Ça nous a manqué et ça a manqué aux gens aussi! »
Vous êtes d’abord devenu un Économusée, puis vous vous êtes ensuite engagés dans une appellation de spécificité en 2016. Qu’est-ce qui vous a amené à faire certifier vos produits ?
Dominique:
« On a été approché par des collègues producteurs laitiers qui avaient eux aussi commencé à faire du fromage de vache de race canadienne et qui nous ont parlé de ce projet-là. On a vite trouvé ça positif. Pour moi il y a deux grands avantages qui ressortent du fait que nos fromages soient reconnus par l’appellation de spécificité. Premièrement, ça ajoute une plus-value à notre travail et nos fromages se démarquent bien mieux sur le marché en portant cette marque de reconnaissance. Ensuite, ça vient aussi appuyer, sur la base de notre cahier des charges, le développement et la préservation de la race de la vache canadienne. Le fait de jumeler l’économusée et l’appellation nous permet de valoriser tant le produit que tout le travail qu’il y a derrière. »
Qu’est-ce que ça change dans votre quotidien d’avoir à respecter un cahier des charges?
Dominique:
« À la base, le cahier des charges, c’est en place pour encadrer les bonnes pratiques de la production fromagère. Par exemple, ça empêche l’ajout de substances modifiées que certains pourraient être tentés d’ajouter pour augmenter le rendement ou le taux de gras, au risque de dénaturer le produit. Ça met aussi des balises claires quant à la manière de s’occuper des vaches, par exemple en assurant qu’elles aient la meilleure alimentation possible pour leur bien-être. Le cahier des charges, pour nous du moins, n’est pas un très grand défi. C’est plutôt le moyen de sécuriser les pratiques qu’on met de l’avant et en lesquelles on croit, de partager et de perpétuer les valeurs qui guident notre travail tel qu’on aime le faire, pour un produit d’exception. »
Quelle est la réponse de vos clients lorsque vous leur parlez de votre engagement dans les appellations réservées?
Dominique:
« C’est sûr que ça parle aux gens! Les locaux sont fiers de voir les produits de leur région être reconnus et, pour les touristes, ça permet de comprendre à quel point les produits qu’ils découvrent sont uniques. Les appellations d’ici sont encore beaucoup moins connues et maîtrisées par le public qu’elles ne le sont par exemple en Europe; on est heureux de contribuer à les faire connaître aux gens d’ici. On parle de nos fromages, de nos vaches, mais on est heureux aussi de pouvoir parler aux gens des autres appellations et d’attirer leur attention sur le Maïs de Neuville ou encore sur les Vins de glace. On a un beau travail d’éducation à faire et, en étant proche des gens, on est bien placés pour le faire. »
Pourquoi est-ce important pour vous de protéger et faire durer votre savoir-faire en étant Artisans à l’œuvre et en ayant une appellation réservée?
Dominique:
« C’est certain que le contexte économique actuel est difficile pour tout le monde, mais encore plus pour les producteurs comme nous. Le consommateur moyen a de moins en moins de pouvoir d’achat. En même temps, notre travail est exigeant et la race de vache Canadienne n’est pas celle qui produit le plus de lait. Malgré ça, on sent quand même un certain intérêt de la relève envers ce qu’on fait, pour notre manière de travailler et pour la race qu’on a choisie!
Renée:
« Les jeunes posent beaucoup de questions et se demandent comment ils pourraient augmenter le rendement, améliorer les pratiques… mais le projet qui nous tient à cœur suscite beaucoup d’intérêt chez les plus jeunes. Nous, ça fait déjà 25 ans qu’on fabrique un fromage unique de lait de vache de race canadienne. On le fait avec une fierté qui se renouvelle année après année et on est heureux de voir la relève qui s’intéresse à trouver des solutions aux enjeux de notre industrie et à faire en sorte que notre savoir-faire perdure et se perpétue. »
Appellation Fromage de vache de race canadienne depuis 2016
Économusée de la fromagerie depuis 2010