Systèmes Alimentaires Territorialisés
La Gestion de l’Offre est un SAT, un Système Alimentaire Territorialisé, et constitue aux yeux de nombreuses organisations locales et internationales, une façon efficace de garantir la disponibilité de produits alimentaires aux populations de régions, provinces ou pays, tout en soustrayant des trop fortes pressions des marchés mondiaux les denrées en question.
Par exemple, le Costa Rica a structuré son agriculture, ses politiques et son soutien sur la base de ce principe des Systèmes Alimentaires Territorialisés. On est plus autonome, on achète davantage localement, la production et son dynamisme s’appuient sur l’esprit, la culture et les valeurs locales, les géants de l’agro-industrie y jouent un rôle moins essentiel et sont moins omniprésents que sur bien d’autres territoires.
Le Costa Rica est un peu loin de chez nous direz-vous et les contextes géographique, climatique et culturel pas du tout les mêmes.
Oui, effectivement… Mais je prends un autre exemple, en France celui-là… où déjà on pourra mieux comparer. Il s’agit de démarches menées dans la région Champagne Ardenne.
Le contexte en question a été exposé à un tout récent Colloque International tenu à l’Université Laval, justement sur cette question des Systèmes Alimentaires Territorialisés, les SAT.
Fait intéressant à noter… le colloque était organisé par la ¨Faculté de droit¨ de l’Université Laval.
Et qui a dit que l’agroalimentaire … et en particulier l’agriculture n’intéressent pas la société?
Jean-Paul Bachy, Président de la région Champagne Ardenne était donc l’un de ceux qui étaient invités à lancer la discussion. La Champagne Ardenne est dans le Nord-Est de la France et a une agriculture fort diversifiée… bien au-delà de la seule vigne.
Jean-Paul Bachy est aussi Président du Groupe sur le Sécurité Alimentaire de l’ORU, c’est-à-dire l’Organisation des Régions Unies qui regroupe des centaines de régions à travers le monde.
On parle donc, à la base, de TERRITOIRES… et c’est sur cette base de régions, de zones ou même d’entités administratives, comme une province ou un pays que Jean-Paul Bachy, avec diverses équipes, travaillent à conscientiser et soutenir l’organisation de tels territoires.
Au moment où il s’adressait aux participants au Colloque, on se trouvait ici dans l’attente des conclusions des négociations d’Atlanta à propos du Partenariat Trans Pacifique. Cela amenait d’ailleurs monsieur Bachy à dire que la rencontre à l’Université Laval se situait au cœur de l’actualité locale du fait que plusieurs craignaient l’affaiblissement de la Gestion de l’Offre.
Eh oui, la Gestion de l’Offre est un S.A.T. un Système Alimentaire Territorialisé. La Gestion de l’Offre organise, planifie et gère la production (lait, œufs et volaille) en fonction des besoins du territoire. Ce système pour être opérationnel, fonctionnel, s’accompagne de diverses mesures politiques, des choix de société en fait. Il limite la production, il assure un mécanisme d’établissement des prix assurant une équité pour chacun des partenaires, il limite l’entrée sur le territoire de produits de même nature, ce qui ajoute à la stabilité des marchés internes et évite les fluctuations de prix en fonction de volumes variables qui seraient offerts. Les consommateurs savent donc qu’ils n’auront pas à confronter la variation des volumes et des prix. Les agriculteurs peuvent donc toujours rencontrer leurs coûts de production et planifier le développement de leurs entreprises. On assure aussi avec ce S.A.T. l’achat local, le soutien à cette économie de proximité. Les transformateurs ont de leur côté la garantie d’approvisionnements stables. Ils doivent cependant planifier des opérations sur le seul territoire couvert par la Gestion de l’Offre. Autant on contrôle les entrées de produits étrangers, autant les transformateurs locaux ne peuvent exporter… à moins de payer des droits importants pour accéder aux marchés extérieurs.
Bon… fini l’exposé Gestion de l’Offre 101…
Revenons à Jean-Paul Bachy…. L’essentiel de son message était en fait que vivre dans un territoire précis, penser y mettre en place de quoi se nourrir, de quoi bien protéger l’environnement et respecter les écosystèmes ou encore contribuer à réduire la pression sur le climat, être ouvert à la science autant qu’au partage et à la solidarité… tout cela doit être du ressort de la région, du territoire. On a beau se retrouver en contexte de mondialisation, de libéralisation, si chaque région s’organise correctement tout ira mieux partout dans le monde.
Et Jean-Paul Bachy énonce sans détour des principes. Il ne croit pas que la ferme familiale soit seule capable d’assurer la survie des régions et donc de la planète. Cependant il est convaincu qu’il faut réformer la distribution et organiser des circuits plus courts. Il faut, ajoute-t-il, valoriser davantage le travail des producteurs, les productions locales, leur spécificité. Et aussi voir à ce que les entreprises, qui peuvent parfois être grosses, soient attachées et préoccupées par la proximité entre l’agriculture et la consommation. Il faut une solidarité du territoire.
Tout cela doit, selon Jean-Paul Bachy être fait, être mené sans esprit passéiste. Les outils modernes sont là, il faut innover, revoir l’organisation des producteurs, penser davantage à la coopération, voir la nourriture autrement que comme un strict élément de commerce, structurer le marché, se doter de bons outils de transformation, éviter le gigantisme et penser à des équipements ou établissements locaux, de proximité, essentiels, comme de petits abattoirs, des entrepôts etc…
Tout cela ne se fait et ne se fera pas tout seul. Il faut que la solidarité locale ou régionale ou à la limite nationale se manifeste d’abord dans la volonté de travailler sur une telle organisation et sur des plans et étapes de réalisation.
Jean-Paul Bachy incite les ¨territoires¨ à le faire.
Il faudra surveiller au cours des prochains mois la sortie d’un document qui sera fort intéressant en regard à une telle orientation… et globalement à propos des S.A.T. Il y aura publication des actes du Colloque sur Les systèmes alimentaires territorialisés et ce document sera, déjà, un outil fort utile à celles et ceux qui souhaiteraient penser davantage localement.
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