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Réaction au texte d’opinion de Sylvain Charlebois, dans La Presse Plus du 25 juillet 2016, sous le titre ; « La crème glacée salée, le prix du lait à la ferme est en moyenne près de trois fois plus élevé au Canada qu`ailleurs dans le monde. »

Article Sylvain Charlebois – La Presse Plus – 25 juillet 2016

Pour m’intéresser au secteur laitier depuis au-delà de 40 ans maintenant, il m’apparaît clairement que Sylvain Charlebois prend quelques raccourcis dangereux dans son analyse de la décision de la Commission canadienne du Lait, de hausser de 2,76 % les prix de référence du lait, dit industriel, c’est-à-dire le lait destiné essentiellement à la transformation, beurre, crème glacée, fromages.

Le prix du lait frais n’est pas visé directement par cette annonce de la Commission canadienne.

Monsieur Charlebois voit peut-être une tentative de diversion dans le fait que l’annonce soit faite au cœur de l’été, « en douce ». Pourtant, depuis au moins 30 ans, l’année laitière canadienne, c’est-à-dire la période d’application des politiques et d’évaluation de l’évolution du marché interne canadien, commence avec le mois d’août. Les annonces ont donc toujours lieu au début ou au cœur de l’été, pour une entrée en vigueur dès août, ou dans les semaines qui suivent.

Cette dernière annonce concernant le lait industriel, révèle que les producteurs laitiers pourraient recevoir presque 3 % de plus pour leurs livraisons aux usines. Comme monsieur Charlebois, j’ai sursauté à cette annonce, mais contrairement à lui, je ne trouve pas cela exagéré, simplement parce qu’au cours des 18 derniers mois, les producteurs laitiers ont perdu environ 8 % de leurs revenus à la ferme.

Quelques producteurs que je connais, et avec qui je m’entretenais encore ces derniers jours constatent que malgré la baisse de leurs revenus, les prix de détail, les prix à la consommation pour les produits laitiers n’ont pas diminué. Souvent, la référence automatique pour les consommateurs est de voir le prix du lait frais au litre. Celui-ci n’a d’ailleurs pas diminué et il est de plus régulé par une instance provinciale dans ce cas. Mais n’entrons pas dans cette mécanique.

Les prix de la crème glacée, du beurre, du yogourt ne baissent pas au détail, même si les revenus des agriculteurs eux ont diminué. Les prix à l’hectolitre de lait destiné à la transformation ont baissé et les volumes demandés par les industriels ont diminué. Pourquoi ? Particulièrement parce que les industriels achètent davantage de substances laitières modifiées que l’on connait surtout sous l’appellation de lait diafiltré venant de l’étranger, des États-Unis en bonne partie. Normalement, avec le système de gestion de l’offre en vigueur au Canada, ce lait ne devrait pas entrer au pays sans paiements de droits importants, mais on a réussi à donner d’autres appellations à ces protéines de lait, et les autorités fédérales les laissent entrer sans contraintes.

Je me dis personnellement que si le système de gestion de l’offre doit rester en place, comme la grande majorité des politiciens de tous partis confondus l’ont promis, que l’on applique alors les règles prévues au système. Il est déloyal selon moi que certains partenaires du système puissent contourner et déjouer la Gestion de l’offre impunément.

Bien sûr, je suis d’accord sur un point au moins avec Sylvain Charlebois, le secteur laitier canadien doit continuer et peut-être même, accélérer ses efforts vers l’atteinte d’une compétitivité plus élevée. L’abaissement des coûts de production est depuis un bon moment la préoccupation, et des efforts importants devront encore y être consentis.

Il y a, de toute évidence, des entreprises agricoles laitières qui n’ont pas la capacité opérationnelle ni les moyens financiers pour la mise à niveau de leurs opérations et l’abaissement de leurs coûts de production. Il y aura donc encore de petites fermes laitières qui vont disparaître. Depuis, disons 1950, le nombre de fermes laitières ne cesse de diminuer. De plus de 100 000, il y a 3/4 de siècle, il n’en reste que quelques 6000 au Québec. On rationalise depuis longtemps dans le secteur laitier.

Il faut cependant éviter de poursuivre des objectifs de productivité par des moyens qui voudront systématiquement dire, la disparition des petites entreprises.

D’entrée de jeu, Sylvain Charlebois affirme que le prix du lait au Canada est trois fois plus élevé qu’ailleurs dans le monde. Le propos est un peu simple. Monsieur Charlebois parle probablement du prix de vente sur le marché international à partir d’une région spécifique du monde. Il faudrait bien calculer. S’agit-il vraiment d’une moyenne du prix international à l’exportation ? Ce prix trois fois plus bas n’est probablement pas la moyenne internationale des prix payés aux agriculteurs. Et si l’on parle de prix pour des protéines laitières disponibles, ou offertes sur le marché mondial, sans transformation en produits finis, eh bien à ce moment, il s’agit de prix de dumping, qui n’ont plus de relations avec les coûts de production de ce lait dont on se débarrasse littéralement.

Les producteurs laitiers québécois et canadiens affirment que le système de gestion de l’offre ne coûte rien à l’État, ou si peu. Bien sûr, pour les tenants inconditionnels de la libéralisation des marchés, il est inacceptable qu’un système protège un secteur. Mais l’expérience ailleurs dans le monde porte à réfléchir. En Europe on a mis fin au système des quotas de production. Les producteurs, individuellement ou en groupes, négocient directement avec des acheteurs, des industriels. Aujourd’hui, c’est la crise, et il faudra que les instances européennes interviennent et compensent.

Le cas de la Nouvelle-Zélande est aussi éloquent, finis les quotas, depuis plusieurs années maintenant. Les prix aux agriculteurs ont baissé dramatiquement, des fermes sont disparues et les prix à la consommation ont grimpé.

Un certain équilibre dans la répartition des revenus sur l’ensemble de la chaîne, de l’agriculteur jusqu’au consommateur, n’existe plus. Les recettes sont concentrées au milieu de la chaîne.

Se référer à la scène internationale, amène rapidement à constater qu’il y règne un désordre confus, mais où deux constantes apparaissent, c’est-à-dire la fragilisation du secteur de la production, et très souvent une pression à la hausse sur les prix aux consommateurs.

Encore une fois, si le seul objectif est la libéralisation du marché, oui, la gestion de l’offre est une contrainte, mais garantir que les consommateurs s’en trouveraient gagnants, même à long terme, est plus que douteux.

Revenons-en à l’augmentation du prix de soutien annoncée par la Commission canadienne du lait. Les acheteurs pourraient devoir payer et paieront probablement quelque 2,76 % de plus pour s’approvisionner en lait qu’ils transformeront en beurre, crème glacée, fromage ou yogourt. Il s’agit d’une dépense de plus dans le calcul des coûts de production. Pour bien des gens d’affaires, le système de contrôle du secteur et de gestion de l’offre est responsable et devrait donc disparaître. Cette contrainte devrait être abolie selon eux.

Pourtant, 3 % d’augmentation c’est relativement peu, d’autant plus, comme le reconnaît Sylvain Charlebois, que la Gestion de l’offre a permis une certaine stabilité dans les prix des produits laitiers ces dernières années.

Il n’y a pas eu cette stabilité dans les secteurs agricoles non soumis à la Gestion de l’offre. Ça aussi monsieur Charlebois le reconnaît. Les viandes rouges, les fruits, les légumes ont connu des hausses vertigineuses et les prix restent fermes. Et que dire de la fluctuation des prix d’autres intrants pour les industriels. Alors que le prix du lait est stable et fiable, en une semaine les prix du pétrole et des carburants qu’on en tire subissent en cascade des baisses et des hausses inexplicables. Plus 8 %, moins 10 %, plus 12 %. On peut le vérifier facilement depuis plusieurs semaines de façon très marquée.

Si l’on ne dénature pas trop la Gestion de l’offre, elle continuera d’éviter au secteur laitier de subir des fluctuations à répétition qui risqueraient de déstabiliser nombre de fermes laitières ainsi que de petites et moyennes laiteries qui n’ont pas la capacité financière des géants du secteur ou encore comparable à celles des pétrolières. Il est clair que les consommateurs vont très certainement préférer cette stabilité, à un marché erratique, où la confusion et l’imprévu leur apportent très rarement des bénéfices.

Lionel Levac , chroniqueur agroalimentaire et blogueur sur le site AGRO QUÉBEC

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2 commentaires

  1. Bonjour M . Levac je suis producteur en montérégie et je vous dit merci pour votre réplique a M . Charlebois . Vous remettez les pendules a l ‘heure car l’article de M Charlebois avec provoquer beaucoup de frustration de mon côté merci encore Denis Beaudry St-Alphonse de Granby

  2. Merci pour votre texte. Par contre il y a un point qui mérite de s’y attarder. La hausse est prévue au 1er septembre, même jour où l’entente producteur/transformateurs concernant une nouvelle classe de protéine à bas prix devrait entrer en fonction. Si l’on se fie à l’Ontario qui a déjà implanté cette classe, la baisse a été de 2$/hl donc plus de 2%. La hausse réelle pourrait être en réalité une baisse pour le producteur et comme vous le mentionnez je doute fort bien que cette baisse soit refilé au consommateur, et m. Charlebois ne fera certainement pas un texte pour s’en indigner! Faudra attendre de voir le résultat des courses pour pouvoir commenter correctement contrairement à m. Charlebois qui récupère seulement le mauvais côté pour pousser ses idées financées par les fortunés de l’iedm…

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